Aide publique au développement

Discours de Nicolas Sarkozy prononcé à Doha le samedi 29 novembre 2008.

DISCOURS DE M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
 
A la Conférence des Nations Unies sur le financement du développement.
 
 
Doha– Samedi 29 novembre 2008
 
 
Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies,
 
Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,
 
 
En tant que Président de l’Union européenne, ma place était ici, à Doha, pour indiquer sans aucune ambiguïté que le développement des pays qui en ont le plus besoin ne peut pas être sacrifié sur l’autel de la crise économique.
 
Face à cette crise financière sans précédent, doublée d’une crise économique sans précédent, l’Europe a demandé la réunion des chefs d’Etats du G20 qui a eu lieu à Washington. L’Europe avait souhaité que l’Union Africaine soit représentée à travers son Président, Monsieur KIKWETE à cette réunion. Je regrette que ce n’ait pas été le cas.
 
L’Europe avait d’ailleurs souhaité également que le Conseil de Coopération des Etats Arabes du Golfe à travers son Président, l’Emir du Qatar, soit représenté aussi. Et je regrette que ce n’ait pas pu être le cas. Et j’espère qu’au prochain Sommet du G20, à Londres, chez notre ami Gordon BROWN, l’Union Africaine et le Conseil des Etats Arabes du Golfe pourront être représentés.
 
Pourquoi l’Europe a-t-elle voulu ce sommet ? Parce que nous sommes face, nous, le monde, à une crise financière sans précédent. Face à cette crise, il y a deux attitudes. La première consisterait à continuer comme avant, sans tirer aucune leçon des erreurs du passé. La seconde consiste à faire de cette crise sans précédent, une opportunité pour changer le monde. Changer les institutions du monde, changer le système financier du monde, changer l’opportunité pour des régions comme l’Afrique notamment, de se développer.
 
Dans le monde globalisé qui est le nôtre, nos destins sont liés. Sauver les équilibres environnementaux de la planète, nous avons besoin des pays développés et des pays en voie de développement. Retrouver la croissance du monde, nous avons besoin de vous, vous avez besoin de nous.
 
Eh bien, l’Europe portera, pour le prochain sommet du G20, la volonté d’adapter les institutions du monde à la nouvelle réalité politique, économique et financière. Je le dis notamment aux chefs d’Etat et de gouvernement africains si nombreux dans cette salle. L’Afrique doit avoir sa place, sa juste place, dans les institutions internationales.
 
Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies, la France et l’Europe apprécient votre travail. Mais nous disons qu’il n’est pas raisonnable qu’il n’y ait pas un seul pays africain membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies. On ne peut pas résoudre les grandes affaires du monde en considérant qu’un milliard d’habitants sur le continent africain n’ont pas leur part.
 
Nous pensons qu’au sein du FMI, les pays en voie de développement doivent avoir une place et un poids beaucoup plus importants. Nous considérons que le format du G8 qui a été utile, est aujourd’hui dépassé. Qui peut penser résoudre la crise économique et financière sans la Chine, sans l’Inde, sans le Brésil, sans le Mexique, sans aucun pays sud-américain ? Et nous savons parfaitement l’importance de l’Afrique du Sud, mais elle ne peut, à elle toute seule, représenter tout un continent.
 
De cette crise, Mesdames et Messieurs, faisons l’opportunité d’un changement. Nous sommes au XXIème siècle et nous avons les institutions du XXème. Qu’attendons-nous, Monsieur le Secrétaire Général, pour changer les choses ? Vous n’êtes pas le seul à pouvoir le faire, il faut vous aider. Mais si, de toutes les régions du monde, nous exigeons ce changement, alors les choses changeront. Et de cette crise, nous en avons débattu au sein de l’Union européenne. Alors que nous sommes tous face à des déficits croissants, face à l’augmentation du chômage, nous avons décidé de ne pas sacrifier les Objectifs du Millénaire et d’être au rendez-vous des promesses qui vous ont été faites en matière d’aide publique au développement. Et ce n’est pas rien la promesse de l’Europe car, d’ores et déjà, 60% de l’aide publique au développement vient de l’Europe, 60% Monsieur le Secrétaire Général. C’est bien pour cela que j’ai voulu être là.
 
Pour affirmer cet engagement politique fondamental de l’Europe. Beaucoup de gens, à travers le monde, parlent de l’aide publique au développement. L’Europe paie pour 60%. Cela représente 61 milliards de dollars pour 2007. Et l’Europe vient de décider de rajouter un milliard d’euros en matière d’aide alimentaire pour faire face à la crise alimentaire sans précédent. L’Europe sera au rendez-vous du 0,7% en 2015. C’est un choix politique majeur, c’est un choix politique unanime et je demande aux pays qui sont ici et qui ne participent pas au continent européen de considérer qu’avec les difficultés sociales, économiques, financières, politiques qui sont les nôtres, ce choix est un choix fondateur.
 
J’ajoute dans les changements que j’appelle, et succédant à Monsieur LAMY, qu’il y a un problème considérable qui est celui de la crise alimentaire. Le monde peut se nourrir si le monde n’oublie pas la priorité agricole. Il y a 900 millions de personnes dans le monde qui meurent de faim. La question, c’est le développement de l’agriculture et, en aucun cas, la réduction de la production agricole. C’est ce que j’ai proposé au nom de la France le 3 juin, à Rome devant la FAO. Il faut aider l’Afrique à nourrir les Africains et à contribuer à nourrir le monde. L’Europe a d’ailleurs décidé d’ouvrir ses marchés sans aucune taxe aux produits agricoles produits par les pays les plus pauvres du monde.
 
Mesdames et Messieurs, l’aide publique nous l’augmenterons mais, dans le même temps, nous avons appris que l’aide publique n’est pas la seule condition du développement. Il faut aider l’investissement privé, il faut aider le micro-crédit. La France a mis en place deux milliards et demi d’euros pour financer 2000 entreprises africaines. Pour nous, le développement de l’Afrique, c’est une absolue priorité.
 
Et je voudrais terminer par là. Nous sommes conscients de nos responsabilités. Nous sommes conscients de nos devoirs. Le monde est passé tout proche de la catastrophe parce que le monde avait choisi la spéculation financière plutôt que le développement économique.
 
Le monde n’est pas passé loin de la catastrophe parce que le monde s’était habitué au profit dans n’importe quelle condition, à des banques qui prêtaient n’importe comment à n’importe qui. Le monde s’était habitué à ce que les uns deviennent de plus en plus riches alors que les autres devenaient de plus en plus pauvres. Nous avons une occasion historique de changer cela. Je le dis à nos amis africains : nous serons au rendez-vous du développement. Je le dis aux pays en voie de développement : nous serons au rendez-vous, nous, l’Europe et nous, la France, du rééquilibrage des institutions internationales. Mais que chaque pays ici, alors, aide l’Europe et aide la France dans ce changement et dans ces réformes. Le monde ne peut plus attendre. Vous avez besoin de notre soutien économique et financier. Nous avons besoin de votre volonté politique. Il n’y a pas, d’un côté ceux qui vivent en dehors du monde, et, de l’autre, les autres. C’est le même monde, la même volonté politique et, Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies, si l’Europe a répondu à votre appel, c’est parce que cet appel était juste. Et, si l’Europe a voulu être à Doha, chez nos amis du Qatar, c’est parce que ce rendez-vous, c’est le rendez-vous du millénaire. Nous tiendrons nos promesses. Mais, amis africains, amis sud-américains, amis d’Asie, poussez avec nous pour la réforme, poussez avec nous pour le changement, poussez avec nous pour refuser l’immobilisme. Ensemble, nous sommes beaucoup plus forts. Ne laissons pas demain, les mêmes causes produire les mêmes effets.
 
Je vous remercie.
 
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