Divorce à l’international : quelle loi sera applicable ?

Seconde partie de notre dossier sur le Divorce à l’international. après avoir determiné quel Tribunal était compétent, il convient de déterminer quelle loi sera applicable. N’oublions pas qu’un juge français peut être compétent tout en étant tenu d’appliquer une loi étrangère.

La loi applicable au divorce

Depuis le 21 juin 2012, le règlement européen dit « Règlement Rome III  »  est en vigueur au sein de 15 Etats membres de l’Union européenne (notamment la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne mais pas le Royaume-Uni). Cette coopération renforcée permet de minimiser le « forum shopping », pratique qui consiste à saisir le tribunal qui aura la loi la plus favorable, notamment en termes de calcul de la prestation compensatoire. 
Ce règlement reprend le principe de la liberté contractuelle et permet aux époux ou futurs époux de choisir la loi applicable à leur éventuel divorce ou séparation de corps, sous réserve que ceux-ci entrent dans l’une des situations suivantes : 
 
  • les époux sont de nationalités différentes 
  • les époux n’ont pas leur résidence habituelle dans le même Etat 
  • les époux résident dans un Etat dont ils n’ont pas la nationalité 
  • le mariage a été contracté dans un Etat autre que celui dans lequel le couple a sa résidence habituelle. 
La loi applicable au divorce des époux aura notamment pour conséquence de définir les causes du divorce (il peut s’agir selon la loi française d’un divorce pour faute, pour altération du lien conjugal ou d’un divorce accepté) et de déterminer la date des effets du divorce entre les époux. Cependant, cette loi sera sans incidence sur le partage des biens des époux, soumis à la loi du régime matrimonial.
 
A défaut de choix par les parties, le règlement prévoit l’application de la loi de l’Etat : 
 
  • de la résidence habituelle des époux au moment de la saisine de la juridiction, ou, à défaut,
  • de la dernière résidence habituelle des époux, pour autant que cette résidence n’ait pas pris fin plus d’un an avant la saisine de la juridiction et que l’un des époux réside encore dans cet Etat au moment de la saisine de la juridiction, ou, à défaut, 
  • de la nationalité des deux époux au moment de la saisine de la juridiction, ou, à défaut, 
  • dont la juridiction est saisie.
 
Les dispositions de cet article suivent une hiérarchie, ce qui signifie que ce n’est qu’en l’absence d’un pays de résidence commune des époux que le juge appliquera la loi de l’Etat de la dernière résidence habituelle des époux, si celle-ci date de moins d’un an et qu’un des époux y réside encore, et ainsi de suite. 
 
Toutefois, en pratique la loi applicable au divorce sera rarement un enjeu, car la cause du divorce n’est généralement pas le point qui anime le plus les désaccords entre époux. 
 

La loi applicable aux conséquences financières du divorce

Quelle loi les juridictions françaises vont-elles appliquer aux conséquences financières du divorce ?

La loi applicable au régime matrimonial
 
S’agissant de la loi applicable au régime matrimonial des époux, les juridictions françaises appliquent la Convention de la Haye de 1978 sur la loi applicable au régime matrimonial. A défaut de choix opéré par les époux avant ou pendant le mariage, c’est la loi de la première résidence habituelle commune des époux après le mariage qui s’applique. 
 
Pour les époux mariés après le 29 janvier 2019, il faudra se référer au nouveau règlement européen en matière de régimes matrimoniaux  lequel prévoit lui aussi qu’à défaut de choix c’est la loi de la première résidence habituelle des époux qui s’appliquera. Toutefois et dans cette hypothèse, l’un des époux pourra demander l’application d’une autre loi s’il démontre que les époux avaient leur dernière résidence commune dans un autre Etat pendant une période significativement plus longue et que les deux époux s’étaient fondés sur la loi de cet autre Etat pour organiser ou planifier leurs rapports patrimoniaux. 
 
L’application de l’un ou l’autre de ces deux règlements concernant les régimes matrimoniaux dépendra donc de la date de célébration du mariage. 
 
La loi applicable aux obligations alimentaires
 
En ce qui concerne les obligations alimentaires entre époux, si les juridictions françaises sont compétentes, celles-ci appliqueront le Protocole de la Haye du 23 novembre 2007 sur la loi applicable aux obligations alimentaires . En principe c’est la loi de la résidence habituelle du créancier d’aliments qui s’appliquera. Toutefois, l’un des époux aura la possibilité de s’opposer à l’application de cette loi si la loi d’un Etat, en particulier l’Etat de la dernière résidence habituelle commune des époux, présente un lien plus étroit avec le mariage. 
 
Enfin, la récente consécration en droit français du divorce par consentement mutuel non judiciaire étant à l’origine de très nombreuses interrogations, il convient de présenter les principaux aspects de droit international privé de ce nouveau divorce pouvant intéresser les français installés à l’étranger. 
 

Le nouveau divorce sans juge par consentement mutuel

 
Depuis le 1er janvier 2017, les époux souhaitant divorcer à l’amiable, qu’ils aient déjà engagé ou non une procédure contentieuse, peuvent bénéficier d’une procédure simplifiée bien que déconseillée dans un contexte international. 
Le divorce par consentement mutuel n’est plus homologué par le juge. Il est constaté par acte sous signature privée contresigné par les avocats des parties puis, déposé au rang des minutes d’un notaire. 
 
La convention de divorce permet de constater l’accord des époux sur le principe de la rupture du mariage et ses conséquences. Les parties ont l’obligation d’être chacune représentée par un avocat indépendant, elles ne peuvent plus avoir d’avocat commun.
 
Une fois la convention signée par les deux parties et leurs deux avocats, un délai de réflexion obligatoire de 15 jours doit être écoulé avant que le notaire ne dépose l’acte au rang de ses minutes. 
Les époux ne sont plus tenus de passer devant le juge, sauf lorsqu’un enfant mineur souhaite être entendu. 
 
Simple au premier abord, cette réforme a des implications dans un contexte international que le législateur français a décidé d’ignorer, et ce malgré le nombre important de divorces internationaux.
Le risque majeur du nouveau divorce par consentement mutuel est sa reconnaissance dans de nombreux pays étrangers.
 
Par conséquent, en cas d’élément d’extranéité et lorsque la situation pose des questions d’obligations alimentaires ou de régimes matrimoniaux, il est aujourd’hui imprudent de s’engager vers un divorce par consentement mutuel sans juge.
Les deux options possibles consistent : soit, à revenir vers un divorce par consentement mutuel judiciarisé si l’un des enfants du couple capable de discernement souhaite être entendu par le juge, soit s’orienter vers un divorce contentieux. 
 
Ces quelques éléments d’informations sur le divorce dans un contexte international devraient permettre aux Français résidant à l’étranger de ne pas exclure la possibilité de saisir un juge français pour leur procédure de divorce et de s’interroger sur la loi applicable à celle-ci avant toute démarche dans leur pays d’accueil. 
 
Un prochain article sera consacré aux conséquences du divorce international sur les enfants.
 
 
Maitre Céline Richard
Avocat spécialisé en droit de la famille interne et international
 
 
 
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