Serge Betsen : la solidarité au cœur

Il a écrit les plus belles pages de l'histoire du rugby français, vainqueur de deux Grands Chelems au Tournoi des Six Nations avec le XV de France, et de trois victoires en Championnat de France avec le Biarritz Olympique. C'est aujourd'hui à Londres, chez ses amis anglais qu'il a souvent rudoyés sur le pré, que Serge Betsen est installé. Entretien avec un homme de valeurs.

Depuis combien de temps êtes-vous installé à Londres ?

Depuis 2008. Après ma carrière au Biarritz Olympique j’ai rejoint le club des Wasps avec lequel j’ai joué durant trois ans. Cette expérience a été extraordinaire, tant sur le plan sportif que familial, ma fille Louise est d’ailleurs née ici. Vous savez, le rugby a été un passeport qui m’a permis de découvrir de nombreux pays et, surtout, de nouvelles cultures. Malgré mes dix-sept années d’expérience avec mon club de Biarritz et avec l’équipe de France, j’ai encore appris en venant ici, au niveau du jeu, de la mentalité et de la culture de mon sport. Le fait que nous ne parlions pas la même langue amène à fonctionner différemment. Le vérifier dans les faits est très enrichissant.

Pourquoi avoir décidé de rester à Londres ?

C’est un choix familial. Mon épouse, qui est enseignante au lycée français Charles-de-Gaulle, a trouvé ici un cadre propice à son épanouissement et à celui de nos enfants. Elle m’a suivi dans ma carrière pendant vingt ans et j’étais heureux, à mon tour, de la soutenir dans ses ambitions. Ma nouvelle profession de consultant me permettant de travailler n’importe où, j’ai donc choisi de privilégier la stabilité familiale.

Selon vous, quelles seraient les qualités qu’ont les Anglais et que les Français n’ont pas… et réciproquement ?

Je crois que les Anglo-Saxons, d’une manière générale, sont attachés à la précision et à la rigueur, avec un souci d’efficacité qui laisse parfois l’émotion au second plan, contrairement à nous Français. Inversement je pense aussi que les Français ont des capacités d’adaptation que les Anglo-Saxons n’ont pas forcément, en raison de cette rigueur. Mais finalement ces deux approches sont complémentaires. Pour ma part, je me sens un peu comme le fruit de ces deux mondes. Cela dit, je note que la culture, l’éducation sportive, plus valorisée en Angleterre, participe de cette confiance en soi. En France, il est dommage que le projet sportif soit trop souvent relégué au second plan. Pour ma part, je sais ce que le sport m’a apporté en termes de développement personnel.

Vous avez créé il y a trois ans le programme Serge Betsen Rugby. En quoi consiste-t-il ?

Il repose sur des interventions dans les écoles de Londres pour initier les enfants au rugby dès les classes primaires. Il s’agit du rugby dit « tag », qui se pratique sans contact. J’organise des activités au sein de ces écoles durant les temps de sport et après les temps scolaires, avec également des activités multisports. J’organise aussi des tournois, comme ce 24 mai, au sein de l’école André-Malraux de Londres, avec la présence d’une dizaine d’écoles. Il y a un travail de fond à mener autour de ce sport et je prends du plaisir à voir les enfants se faire des amis, profiter de ces échanges. Cette activité a débuté auprès des écoles françaises de Londres puis elle s’est étendue aux enfants anglais, à l’image par exemple du partenariat que nous venons de nouer avec un nouvel établissement, Ark Academy, situé dans le quartier de Wembley. Parallèlement à la scolarité, je crois beaucoup au développement des enfants par le sport, mais aussi par des activités de création d’une manière générale.

Votre carrière française a été d’une fidélité exemplaire au Biarritz Olympique. La ville vous manque-t-elle ?

Oui, Biarritz et la région basque sont marquées dans mon cœur à jamais. Je m’y suis marié et j’y ai effectué la plus grande partie de ma carrière avec des titres à la clé, c’est de là que j’ai pu intégrer l’équipe de France. Il arrive donc que les vagues de l’Atlantique et les chants basques me manquent…

Pourtant vous êtes né au Cameroun et avez grandi en région parisienne… Comment êtes-vous venu au rugby ?

J’ai eu une chance incroyable, un jour, de rencontrer un ami, Stéphane Zubirrain, au stade Georges-Racine de Clichy, qui m’a proposé de jouer au rugby. J’ai alors découvert un univers composé de gens simples et accueillants et, au-delà du sport, un art de vivre, des valeurs, une philosophie qui correspondent à mon caractère et à mon goût pour le travail en équipe. Le hasard fait bien les choses… Votre lien avec l’Afrique trouve aussi un prolongement avec la Serge Betsen Academy… Oui, je suis investi dans ce projet au Cameroun depuis treize ans. Son objectif premier consiste à aider les enfants et les familles à avoir accès à l’éducation et à la santé. Nous utilisons le rugby pour transmettre aux enfants ces valeurs de partage qui nous sont chères, ils ont aussi accès à des séances de soutien scolaire, et nous développons des structures de soins et d’information sanitaire. Notre organisation compte cinq centres disséminés dans le pays et accueille plus de 500 enfants. J’étais d’ailleurs récemment au Cameroun pour l’inauguration d’un centre que nous venons de construire à Bagangté, dans la région de l’Ouest, et qui va nous permettre d’accueillir encore plus d’enfants. Ce projet me tient à cœur car il consiste à rendre à la fois quelque chose au rugby et à la terre dont je suis originaire. J’en profite aussi pour rendre hommage à Sébastien et Odile qui se dévouent au sein de l’organisation, et à Elisabeth, la présidente sur place qui gère les cinq centres. Notre démarche est parfois très complexe lorsqu’il s’agit de travailler sur des levées de fonds ou l’accessibilité aux soins des enfants et de leur famille.

La Ville de Paris est candidate à l’organisation des Jeux Olympiques en 2024… C’est une aventure formidable et un honneur pour le sport français de relever ce challenge !

J’ai la chance de faire partie des anciens sportifs de haut niveau impliqués dans cette candidature. C’est aussi l’occasion de côtoyer des pairs, des dirigeants sportifs ou d’entreprises, de réfléchir à la façon d’accueillir ces Jeux et d’utiliser l’impact de cet événement après-coup. J’étais à Londres lorsque les Jeux s’y sont déroulés en 2012. C’est un émerveillement car il s’agit-là du summum des événements sportifs. J’étais aussi à Rio en 2016 avec l’arrivée du rugby à sept dans la compétition. J’ai vécu ces moments avec une vraie jubilation, d’autant que cette formule est très spectaculaire et suscite un engouement incroyable. Elle permet aussi un élargissement des participants à notre sport, notamment pour des nations qui n’ont pas les moyens de jouer à quinze et de développer le rugby à l’intérieur de leurs frontières. Le fait d’envisager que les Jeux se déroulent à Paris me rend acteur et ambassadeur de cette candidature qui pourrait vraiment booster le sport français et la région parisienne.

Connaissez-vous l’UFE ?

Oui ! J’ai eu le plaisir d’être le parrain des derniers Trophées des Français de l’étranger organisés par Le Petit Journal en partenariat avec l’Union des Français de l’étranger en mars dernier. Cet événement m’a permis de rencontrer plusieurs responsables de l’UFE. Je ne peux qu’encourager leurs actions car il est important de sensibiliser et de transmettre des informations à tous ceux qui veulent s’expatrier. Il faut connaître les possibilités qui s’offrent à vous quand on décide de franchir le pas. La vie à l’étranger nécessite quand même de se préparer au mieux pour y vivre dans les meilleures conditions possibles.

Extrait de La Voix de France n° 566 Juin 2017 consultable ci-dessous en vous connectant à votre espace adhérent

 

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