Interview de Marc Levy

Photo de Christian Geisselmann
Il est l’auteur contemporain français le plus lu au monde, mais vit à New York après avoir sillonné la planète. Homme de contraste, devenu écrivain sur le tard, le parcours de Marc Levy épouse avant tout celui d’une quête de liberté, celle qui peut pousser à vivre sa vie loin de sa terre natale. Entretien.

Etre Français à l’étranger, cela revêt-il un sens particulier ?

Peut-être plus qu’on ne l’imagine …

Vous sentez-vous un « ambassadeur » de la France ?

Ce n’est pas parce que l’on vit à l’étranger que l’on aime moins son pays, bien au contraire, ce qui vous manque est encore plus présent dans votre vie. Alors je me sens comme tous les Français qui vivent à l’étranger, et qui sont autant d’ambassadeurs qui font découvrir et aimer leur pays aux autres. En ce qui me concerne, je le fais, non par devoir mais par amour et par fierté aussi. La France est un pays vraiment magnifique.

Qu’est-ce qui vous a incité à déménager hors de l’Hexagone ?

Je suis parti vivre à l’étranger parce que j’ai toujours aimé voyager. J’ai passé la plus grande partie de ma vie autour du monde. La première fois, c’était à 24 ans et je n’avais pas encore écrit. Je suis parti vivre à Londres après la parution de mon premier roman Et si c’était vrai… Même dans mes rêves les plus fous je ne pouvais pas imaginer un tel succès, l’intérêt de Spielberg, et donc des médias. Je n’étais pas préparé à toute cette attention ni à ce que ma vie change. Partir à Londres était donc le choix de continuer à vivre comme tout le monde, de conserver cette liberté, vu que là-bas personne n’avait entendu parler de moi.

En quoi l’expérience de l’expatriation est-elle unique ?

J’aime vivre à l’étranger. Vivre au contact de personnes qui n’ont pas la même culture, la même langue que vous est toujours très enrichissant. Et puis c’est une école d’humilité quotidienne : rien n’est jamais acquis, il faut oublier ses habitudes, ses réflexes et s’adapter au pays dans lequel on vit ; même si certains us et coutumes n’ont parfois aucun sens pour vous… Bref, c’est très enrichissant.

Elle & Lui

Avec ses 33 millions d’exemplaires publiés, Marc Levy est l’auteur français contemporain le plus lu dans le monde. Il a publié à ce jour seize romans, traduits en quarante-neuf langues. Depuis dix ans, ses ouvrages figurent en tête des ventes ; son succès, il le doit sans aucun doute à son style fluide et accessible et ses personnages attachants. L’auteur de best-sellers n’a pas de recette miracle, simplement un succès qui repose sur le bouche-à-oreille de lecteurs qui aiment les sujets qu’il traite, l’amour, la mort, la séparation, avec sincérité. La mise en scène sur grand écran de son premier succès – Et si c’était vrai… – produit par Spielberg, a également contribué à faire de Marc Levy un auteur populaire. Aujourd’hui, son dernier roman, « Elle et Lui », semble suivre le même chemin, avec un lancement à 300 000 exemplaires. C’est une comédie, une histoire d’amour entre un homme, Paul, écrivain, et une femme, Mia, actrice, qui font connaissance sur un site de rencontre. Une occasion pour Marc Levy de revenir sur le travail d’écrivain et le milieu de l’édition, dans un style toujours rapide et efficace, très imagé.

« Elle et Lui », publié chez Robert Laffont/Versilio.

Avez-vous le sentiment que les freins à la mobilité internationale, notamment administratifs, sont importants ?

J’ai surtout l’impression que la réponse est dans la question, « freins » et « administratifs » … Comment vous dire … ?

Vivre aux Etats-Unis, est-ce si différent que de résider en Europe ?

Oui, tout du moins cela me semble très différent. Les mentalités ne sont pas les mêmes, les modes de vie non plus. C’est un pays continent qui doit être compris dans toutes ses diversités territoriales. Comme l’Europe d’ailleurs. Mais aux États-Unis on doit apprendre à vivre sans la tutelle ou la protection de l’Etat. La vie est sans filet et, je pense, bien plus aventureuse et risquée qu’en Europe.

Qu’est-ce qui a été le plus facile à vivre lors de votre installation aux Etats-Unis ? Le plus difficile ? 

Le plus facile, s’émerveiller de la convivialité des gens, de la courtoisie, du positivisme forcené des Américains, de cet appétit de travail, de progrès, de réussite. Le plus difficile ? Peut-être ce côté brutal et sauvage de l’Amérique, l’injustice qui y règne, le système judiciaire qui fait vraiment peur, de savoir aussi que l’on est seul responsable de sa vie. C’est à la fois grisant de liberté et aussi parfois terrifiant. A New York, c’est le fait de s’accoutumer au bruit. Les Américains adorent le bruit et New York est vraiment une ville bruyante.

Avez-vous l’intention de rentrer un jour en France ?

Un jour oui, bien sûr, quand j’en aurai fini de voyager. Mais pour l’instant il me reste encore tant de pays et de gens à rencontrer.
 

Un auteur à succès

Né le 16 octobre 1961 en banlieue parisienne, Marc Levy s’est engagé à 18 ans à la Croix-Rouge où il a passé six années, occupant divers postes. Dans le même temps, il a étudié la gestion et l’informatique à l’université Paris-Dauphine. Jeune entrepreneur, à 22 ans il crée une société spécialisée dans les images de synthèse en France et aux Etats-Unis. En 1989 il perd le contrôle de son groupe et démissionne. A 29 ans, il rentre à Paris et fonde avec deux amis une société de travaux de finitions qui deviendra l’un des premiers cabinets d’architecture de bureau en France. Puis à 37 ans, Marc Levy écrit une histoire à l’homme que deviendra son fils, Louis. Encouragé par sa sœur scénariste (aujourd’hui réalisatrice), il envoie ce manuscrit aux éditions Robert Laffont qui acceptent aussitôt de publier Et si c’était vrai… Steven Spielberg (Dreamworks) en acquiert les droits d’adaptation cinématographique. Avec ce premier succès, Marc Levy part vivre à Londres pour se réfugier dans un anonymat qui lui convient mieux. Après la publication de son premier roman Marc Levy stoppe sa carrière d’entrepreneur : ce qui l’avait jusqu’alors motivé, l’envie de création, se reporte sur l’écriture à laquelle il se consacre entièrement. Il passe de quinze à dix-sept heures derrière son bureau, pendant plusieurs mois : depuis l’année 2000, il publie au moins un livre par an ! Il explique que l’écriture s’impose à lui, qu’elle est « un médicament contre la pudeur », qu’il est comme « en apnée » dans ces moments-là. Il a choisi New York pour vivre et travailler, une ville multiethnique qui le passionne, sans pour autant renier son pays où il revient régulièrement et où il dit même avoir envie de se retrouver, « si possible face à la mer », pour passer ses vieux jours ! En quinze ans, il a écrit quinze romans qui figurent dès leur parution en tête des ventes annuelles en France et connaissent un succès international.

 

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