Les droits des binationaux

La binationalité est l’appartenance simultanée d’une personne à la nationalité de deux Etats. Cela peut être le cas d’un Français ayant acquis une autre nationalité ou d’un étranger ayant obtenu la nationalité française tout en conservant sa nationalité d’origine. Quelles en sont les conséquences juridiques?

La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme prévoit que tout homme a droit à UNE nationalité. Elle prévoit aussi qu’il peut en « changer » mais pas qu’il peut les cumuler (1). De nombreux pays l’interdisent, considérant que la binationalité donne, de manière cumulée, les avantages de deux pays (par exemple : système de santé dans l’un et avantages fiscaux dans l’autre) ce qui est contraire au principe d’égalité entre les citoyens.

Ce n’est pas le cas de la France. La double nationalité n’est pas inscrite dans le droit français mais elle résulte d’accords internationaux. Elle est ancrée dans une longue tradition trouvant son origine dans l’histoire de l’Empire. Après la Première Guerre mondiale, lors de la réintégration de l’Alsace-Moselle au sein de la République française, certains Allemands installés dans la région souhaitèrent devenir Français tout en gardant leur nationalité d’origine. « Cela n’a posé aucun problème», rappelle l’historien Patrick Weil.

Combien de personnes sont-elles concernées en France ?

Il n’existe pas de statistique officielle. La loi française n’exigeant pas de déclaration concernant la possession une autre nationalité. Des sources concordantes évoquent une fourchette de quatre à cinq millions de binationaux en métropole. Selon les évaluations des ambassades, plus de la moitié des 2,5 millions des Français de l’étranger sont binationaux.

Le « privilège » que donne ce statut n’est pas toujours évident. Loin de là. Détenir la nationalité d’un autre Etat signifie également que la loi de celui-ci lui est aussi opposable. De nombreuses nationalités d’origines ne se perdent pas. Un Français binational qui se trouve dans son pays d’origine reste soumis aux lois de celui-ci.

Conséquences

Pour éviter ces difficultés, il est possible de saisir les juridictions françaises pour demander l’application de la loi française. L’exemple le plus courant est la procédure de divorce entamée par un conjoint dans le pays d’origine. Il est possible de recourir au « privilège de juridiction » qui permet à tout citoyen français qui fait l’objet d’une procédure à l’étranger de demander à être jugé devant un tribunal français, sous réserve d’avoir saisi la juridiction française le premier (2). Le privilège de juridiction n’empêche pas la procédure à l’étranger mais enlève la qualité exécutoire en France du jugement étranger.

Il est souhaitable d’ester en France pour obtenir la protection des intérêts et le contrôle du juge français dans le déroulement de la procédure. Car si le privilège de juridiction est invoqué à l’étranger, il est improbable que la juridiction étrangère se dessaisisse. Il faut donc l’invoquer dès le départ devant les tribunaux français.

Attention : Certains traités bilatéraux ont exclu le privilège de juridiction et établi des règles conventionnelles particulières : tel est le cas de la convention franco-marocaine du 10 août 1981. Pour comprendre leur situation juridique, les binationaux doivent avant tout identifier les règles de droit qui leur sont applicables.

(1). Art. 15 de la déclaration universelle des droits de l’homme.
(2). Art. 14 et 15 du Code civil.

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