Marchés financiers : les dangers d’une économie mondiale fragilisée

Jusqu’au 11 août le scénario paraissait clair. La hausse des actions européennes allaient se poursuivre jusqu’à la mi-septembre, puis les turbulences devaient commencer avec une première hausse des taux de la Fed. La dévaluation du yuan a chamboulé ces prévisions dans les marchés financiers en avançant d’un mois la correction attendue : elle a sonné l’alerte sur les dangers de la conjoncture chinoise et sur ses conséquences sur une économie mondiale déjà fragilisée.

 

Les six points noirs de l’économie mondiale :

  • En Chine, perte de compétitivité-coût dans une économie trop basse en gamme ;
  • Au Japon, partage des revenus trop défavorable aux salariés ;
  • Dans les pays émergents hors Chine, manques d’infrastructures, de main d’œuvre qualifiée, empêchant la poursuite de la croissance ;
  • Les pays exportateurs de matières premières subissent le recul de leurs prix ;
  • Aux Etats-Unis, dépendance de l’économie vis-à-vis du secteur énergétique et partage salaires/profits encore trop défavorable aux salariés malgré la reprise économique en cours ; 
  • Dans la zone euro, sous-investissement lié à l’excès d’endettement et à l’incertitude.

La bonne nouvelle, c’est que ces difficultés, qui se manifestent depuis 2010 environ, n’ont pas empêché, dans les pays développés au moins, une bonne performance des actifs financiers, grâce aux actions des banques centrales et à leurs politiques monétaires très accommodantes. La mauvaise nouvelle, c’est que ces politiques monétaires n’ont pas permis d’améliorer la situation alors que leurs effets sur les marchés atteignent leurs limites.

Le constat, c’est que nous sommes donc confrontés à une situation nouvelle où la déconfiture d’un grand pays émergent percute une croissance faible et sans leviers de politique économique pour la faire repartir. Même la Chine, avec ses immenses moyens monétaires et financiers, démontre sa difficulté à inverser ses tendances macro négatives.

C’est dans ce contexte qu’il faut replacer les évolutions conjoncturelles en cours.

Le problème à court terme est clairement du côté des pays émergents, Chine en tête, qui corrigent de plus en plus les excès dus aux surinvestissements massifs des années 2000 : surcapacités de production, notamment mines/ pétrole/matières premières et biens d’équipement. Il en a résulté une bulle de crédit en Asie hors Japon : l’endettement privé (ménages- entreprises) est passé de 100 % du Pib en 2000 à 110 % en 2008 et 150 % en 2015, soit l’équivalent de celui des pays développés. Avec pour conséquence un net ralentissement de la croissance à 3,5 % environ dans la zone émergente, contre 4,3 % en 2015 et 4,4 % attendus en 2016, avec un risque élevé de révision à la baisse.

En contrepartie les Etats-Unis maintiennent leur croissance autour de 2,5 % (2014/2015/2016) et l’Europe confirme sa fourchette 1,5/2 % (2015/2016). D’une façon générale les indicateurs avancés Etats-Unis / Europe restent à de bons niveaux, stimulés par la spirale vertueuse : baisse des prix de l’énergie/ hausse de la consommation / recul du chômage /consommation (avec de fortes nuances en Europe).

En Europe cette spirale est amplifiée par le recul / stabilisation de l’euro et la production de crédits au secteur privée qui est encourageante pour le prolongement de cette reprise.

L’inflation reste faible et ses anticipations à moyen terme repartent à la baisse avec le récent recul des prix de l’énergie. Même en retirant ce phénomène, on constate que les inflations core sont à 1 % en Europe et 1,6 % aux Etats-Unis, qu’elles y sont revues en baisse et que ni la Fed ni la BCE ne s’attendent à les voir remonter à leur objectif vers 2 % avant fin 2016. Ceci induit des taux longs Allemagne / USA durablement bas, et même si ils remontent de 50 points de base (bp) sur les six prochains mois (soit 1,30 et 2,70 %), ils reviendraient à des niveaux qui induiraient encore un très faible coût du capital.

Le profil des profits 2015 paraît simple : poursuite des révisions en baisse des pays émergents (-7.5 % sur six mois), légère baisse sur l’année aux Etats-Unis, progression d’environ 10 % en Europe.

Pour les marchés et alors que les opinions les plus contradictoires circulent, on peut faire les constats suivants :

Quatre points positifs :

  • Pas de stress financiers pour le moment, tel le défaut d’un émetteur important ou la fermeture d’un hedge fund. Si un tel choc survenait, il viendrait du secteur de l’énergie et des matières premières, aux Etats-Unis ou dans les pays émergents. Il ne semble pas qu’il y ait de danger important ailleurs. Un défaut en Chine aurait un impact psychologique important, mais le risque financier direct est limité par la faible ouverture des émetteurs chinois aux prêteurs extérieurs. En revanche un tel événement pourrait générer des rapatriements de capitaux (pour renflouer des émetteurs en difficulté) impactant les capitaux placés (au titre des réserves de change) par la Banque de Chine sur les marchés étrangers.
  • Peu de menaces sur les taux obligataires de référence, même en cas d’une hausse de taux de 25 bp d’ici à la fin de 2015 et de 0,25 bp au premier trimestre 2016.
  • Un consensus soudain assez pessimiste, ce qui, dans une logique contrariante, pose les bases d’un potentiel de rebond des indices actions.
  • Les bas niveaux de l’euro et du baril demeurent favorables aux marchés européens.

Quatre points négatifs : 

  • Les rendements obligataires sont très bas partout et les P/E des marchés actions sont dans l’ensemble élevés sur les marchés actions développés, ce qui est égal (Europe) ou supérieur (Etats-Unis) aux moyennes historiques de long terme. Dans les pays émergents, les valorisations sont basses mais représentatives d’un risque élevé et en hausse.
  • Les pressions déflationnistes se renforcent dans le monde émergent : inflation proche de zéro en Chine, prix de production négatifs de 3 %, inflation revue en baisse partout en Asie.
  • La montée du risque crédit en Chine, stimulé par des conditions encore accommodantes.
  • Moindre liquidité du marché : le net recul des activités de trading des banques d’investissement réduit les volumes échangés et concentre les flux et les volumes dans les mains d’investisseurs aux comportements semblables (grandes fortunes, institutionnels, gérants d’actifs, hedge funds / « automates », qui travaillent la plupart du temps dans le même sens), ce qui modifie la qualité de la liquidité.

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